Un théâtre de Malmö sous les feux de la rampe après avoir été rénové par Haworth Tompkins et White Arkitekter

Les meilleurs théâtres permettent aux spectateurs d'être dans deux endroits extraordinaires à la fois.

Les foyers et les auditoriums de caractère créent un sentiment d'occasion lorsque les spectateurs passent de la rue au siège, mais une fois les lumières éteintes, l'architecture doit également permettre au monde de la pièce d'émerger, évoqué par la mise en scène et achevé dans l'imagination du spectateur. C'est cet exercice d'équilibre qu'a réussi avec finesse le bureau londonien Haworth Tompkins, associé au bureau suédois White Arkitekter, dans le cadre de la rénovation du Malmö Stadsteater, l'un des principaux théâtres municipaux de Suède.

Depuis près de 30 ans, la compagnie occupe l'Hippodromen, un bâtiment en briques rouges de la fin du XIXe siècle, conçu par Theodor Wåhlin, dont la vocation première de salle de cirque a donné naissance à un auditorium à 12 côtés entouré de colonnes en fonte, avec un toit en treillis de bois qui évoque la légèreté d'un chapiteau. Le bâtiment était très apprécié, mais il présentait des inconvénients : il offrait peu d'espace pour se réunir avant les spectacles, et sa transformation - bien que techniquement réussie - avait masqué une grande partie de l'enveloppe historique et ne répondait pas aux ambitions de la nouvelle directrice artistique du théâtre, Kitte Wagner. De plus, le "Hipp" étant enfoui au milieu d'un îlot urbain, il était en grande partie invisible dans la ville.

"Il est particulièrement important pour les théâtres qui produisent de nouvelles œuvres d'avoir ce lien avec la population locale", explique Roger Watts, directeur de Haworth Tompkins. "Les espaces d'avant-scène visibles et ouverts à tous contribuent à la formation d'un public La solution proposée par les architectes était, selon les termes de Watts, une proposition "insolente" selon laquelle le Stadstheater devrait prendre possession d'un magasin de perruques voisin pour créer une nouvelle entrée principale et un café ouvert toute la journée sur Kalendegatan, une rue très fréquentée de Malmö. La municipalité propriétaire de l'immeuble a compris la logique du projet et a accepté. Un espace adjacent, anciennement utilisé comme billetterie, a également été converti en studio pour les répétitions, les récitals et les ateliers pour enfants.

Situés derrière de grandes fenêtres ornées, ces espaces sont compacts mais suffisamment lumineux, ouverts et animés pour donner au théâtre un visage accueillant. Les éléments Art nouveau d'origine se mêlent aux nouveaux carrelages émaillés, aux comptoirs en cuivre, aux meubles en bois blond et aux luminaires suspendus dont les couleurs vives sont tirées des peintures murales de l'auditorium de Wåhlin. Bien que le langage architectural soit typiquement scandinave, l'inspiration est venue de la popularité du bar du théâtre Young Vic de Haworth Tompkins à Londres. "Il est sans prétention et démocratique", déclare Watts, "et attire dans un théâtre des gens qui, autrement, pourraient être rebutés"

Par une heureuse coïncidence, une mezzanine existante dans le nouveau café fait écho à celle du Young Vic. La disposition sur deux niveaux est particulièrement efficace dans les bars de théâtre, explique Watts. "Il peut accueillir une foule avant un spectacle, mais aussi quelques personnes prenant un café sans paraître vide et sans vie

Depuis l'entrée et le café, le chemin vers l'auditorium passe par un nouveau pavillon situé dans une petite cour au cœur de l'îlot urbain. Décrite par les architectes comme une "place de ville", cette pièce aérée aux parois de verre sert à la fois d'espace adaptable pour des représentations ad hoc et d'extension du foyer attenant, qui se trouve sous la rangée de sièges de l'auditorium et qui contient le bar et le vestiaire.

Les insertions d'Haworth Tompkins dans la cour et dans le bâtiment de Wåhlin ont un caractère robuste, presque industriel, destiné à évoquer l'artisanat du théâtre et l'énergie brute du spectacle vivant, tout en complétant subtilement le tissu historique. Les connexions boulonnées et soudées sont visibles dans la charpente métallique exposée, peinte d'un rouge sang-de-bœuf profond. Les planchers en bois foncé et les panneaux de contreplaqué sont associés à des poutres en bois apparentes qui se déploient en éventail pour négocier les géométries irrégulières du plan, entrecoupées de bandes de feutre noir absorbant les bruits.

Les couleurs riches et les textures douces créent une ambiance chaleureuse et intime qui aide à préparer le public à un spectacle et, plus important encore, à créer une atmosphère propice à l'entracte et au départ éventuel. "Lorsque les spectateurs sortent d'une salle obscure et pénètrent dans des foyers suréclairés avec des surfaces dures et réfléchissant le son, le charme de la pièce est rompu", explique Watts. "Nous aimons baisser le niveau d'éclairage et régler l'acoustique pour des conversations tranquilles ; cela rassemble le public, le formant en un seul corps, mais permet aussi aux individus de sentir un lien étroit avec les personnes qui les entourent immédiatement"

C'est dans l'auditorium que l'atmosphère architecturale a été le plus puissamment rechargée. Lors de sa précédente transformation, la majeure partie de l'intérieur avait été peinte en blanc, et des rangées de sièges droites avaient été installées dans une moitié de la salle, faisant face à une large scène proscenium dans l'autre moitié. La disposition proposée par Haworth Tompkins est plus proche de celle du cirque d'origine, où les spectateurs entouraient une piste centrale. Un gradin plus raide et un nouveau balcon sont configurés en fer à cheval, augmentant la capacité de 400 à 520 places et améliorant la visibilité de la scène. Un proscenium démontable et adaptable peut accueillir des représentations en bout de scène, en poussée ou à plat. L'installation élargit également les possibilités théâtrales par d'autres moyens, des gradins rétractables aux "vomitoires" entre les blocs de sièges qui permettent aux acteurs d'entrer et de sortir de scène à travers le public, en utilisant le bar du foyer pour faire le tour de la salle.

"Le théâtre est en constante évolution, et les metteurs en scène et concepteurs d'aujourd'hui veulent pouvoir modeler les espaces en fonction de la production", explique M. Watts. "Un spectacle peut se dérouler dans la salle avec le public, tandis qu'un autre doit être vu à travers une ouverture, à la manière d'un théâtre traditionnel

Ce cadre malléable est fondé sur sa relation avec l'enveloppe historique de Wåhlin, dont la forme distinctive et la richesse des détails ont été discrètement amplifiées. Le nouveau proscenium s'arrête avant le toit conique en bois, révélant toute son étendue, et un nuage dense de baffles acoustiques qui pendaient en dessous a été remplacé par des panneaux plats nichés soigneusement entre les chevrons, donnant une vue plus claire des boiseries brutes et d'une douzaine de fresques vives qui entourent la salle à un niveau élevé - maintenant mises en évidence par les lumières de la maison dirigées vers le haut. La couleur et la texture sont également descendues dans la pièce. Les colonnes d'origine sont à nouveau resplendissantes, d'un rouge profond, et les murs sont tapissés de lattes de bois. L'ancien et le nouveau s'harmonisent si bien qu'il est difficile de savoir où ils se rencontrent.

Une salle de cirque dodécagonale avec un anneau de colonnes n'est pas le point de départ idéal pour un théâtre contemporain. "Très souvent, les bizarreries et les excentricités de ce genre d'endroit sont détruites par souci de flexibilité", explique Watts. "Mais elles font de ce lieu l'une des plus belles salles du monde Dans l'auditorium, dans la cour exiguë et dans l'ancien magasin de perruques, Haworth Tompkins a plutôt célébré la richesse des espaces trouvés, créant un cadre charismatique pour les événements tout en donnant aux conteurs du Stadsteater une scène inspirante sur laquelle ils peuvent jouer.